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Michel Houellebecq: Il existe en France, beaucoup d’Américains l’ignorent sans doute, un mouvement pentecôtiste ; j’en ai pris conscience alors que j’habitais, à Paris, près de la Porte de Montreuil – un quartier alors pauvre, avec beaucoup d’immigrés récents. Attiré par des affiches, je me suis rendu à plusieurs célébrations – parfois animées par un télé-évangéliste américain en tournée. L’assistance était, à 90 % au moins, noire. J’en garde un souvenir étrange, je pourrais presque douter d’avoir vécu ces moments. Les gens dansaient, chantaient à tue-tête, « parlaient en langues » quelquefois mais pas trop, je n’ai jamais eu la sensation d’assister à un délire collectif, ni de me retrouver dans une secte. Le « signe de paix », réduit dans les messes catholiques à une poignée de main brève, gênée et glaciale, donnait lieu ici à d’interminables et chaleureuses embrassades. Et l’on partageait, à l’issue de la célébration, de copieuses victuailles.